Les Récades des Rois du Dahomey

Les récades jouent un grand rôle dans la société dahoméenne. Chaque roi, chaque chef important avait la sienne propre. Leur forme était invariable : un bâton court en roko portant à son extrémité un sujet allégorique en bois, en fer ou en cuivre.

La récade faisait reconnaître le maître de celui qui la portait soit pour communiquer un ordre, soit pour transmettre aussi bien une politesse qu’un défi ; elle authentifiait un messager, elle l’accréditait dans sa mission. Manquer au porteur d’une récade, c’était manquer à son propriétaire lui-même, et, dans le cas du roi, l’injure entraînait la mort ou une entreprise guerrière.

Dans les bas – reliefs figurent quelques récades, mais nous avons pensé offrir une documentation plus complète en reproduisant une photographie des récades des rois du Dahomey.

Dakodônou
La récade représente un rébus :
  • da = une pierre à briquet,
  • ko = la terre,
  • dônou = orifice d’un trou dans la terre.
Quand je commandais Abomey, des forgerons m’offrirent une récade qui procédait du même principe. Mon surnom indigène « n’makambio », prononcez « Houn ma kan biyo » était figuré par :
  • un fromager = boun,
  • avec ses feuilles = ama (« a » contracté),
  • entouré d’une corde = kan,
  • et avec un intervalle entre les branches = biyo.
La signification de mon surnom n’avait rien de commun avec ce rébus tout comme pour « Dakodônou ». N’makambio singifie : « Je ne demande rien ; peu m’importe » et s’emploie couramment dans le sens de « je m’en fiche ». J’étais l’administrateur d’Abomey qui le premier sortait toujours seul sans escorte, sans interprète. Les chefs me faisaient souvent observer que cela pouvait avoir des inconvénients, au point de vue de ma sécurité. Je leur répondais : « N’makambio ». D’autres fois, pendant que je piquetais une route, un de travailleurs me disait : « fais attention, il y a un trou, une ronce, etc. », ou bien « le soleil est trop chaud, rentrons »… je répondais encore « n’makambio ». Mon expression favorite fut retenue ; on m’appela « Yévo makambio », le blanc qui s’en fiche. Plus tard, quand des Européens demandèrent l’explication de mon surnom, on en fournit une toute à mon honneur : « C’est le blanc que rien n’arrête dans son service ».



Récades des rois du Dahomey

           a Dakodônou. – b Ouêgbadja. – c-d Akaba. – e Agadja. – f Tègbésou. – g Këngla.
                      H Agonglo. – i Ghèzô. – j Glèlè. – k Gbèhanzin. – l Ago-li-Agbo.


Ouègbadja

La récade représente une nasse.


Akaba
Ce roi a deux récades.

La première représente deux clochettes jumelles semblables à celles dont on se sert dans certains tamtams et qui rappellent les « assen » (op. cil., Appendice IV, figure n°I, page 364) qu’on dépose devant les autels en l’honneur des jumeaux.
Il y a là une allusion au fait qu’Akaba dut partager la royauté avec sa sœur jumelle « Ahangbé ». La coutume veut qu’on traite les jumeaux de la même façon, sur le même pied d’égalité. Akaba devenant roi, il fallait que sa sœur jumelle le devînt.

La 2e récade représente un sabre.
On a voulu rappeler par ce sabre qu’Akaba entreprit les premières conquêtes un peu lointaines des Dahoméens. Ses armes furent victorieuses jusque sur les bords de l’Ouémé, alors que celles de ses deux prédécesseurs n’avaient pas dépassé le plateau d’Abomey.


Agadja
Un bateau.
En souvenir du surnom « Dossou houn-yito », « Dossou le preneur de bateau », donné à Agadja pour commémorer sa conquête de Savi, qui étendait la domination d’Abomey jusqu’à la mer. Dossou est le nom que portent les frères puînés des jumeaux. Or Agadja était le cadet d’Akaba et de Ahangbé. Houn = pirogue = bateau. Houn signifie également fromager. C’est par extension de cette dernière signification que « houn » veut dire aussi « pirogue » ; car c’est du fromager (houn) qu’on tire la pirogue (houn).
yito = celui qui prend.

Tègbéssou

Un tromblon (agbalia).
Par cette récade, on veut rendre hommage aux guerriers de Tègbéssou, guerrier qu’on désigne dans l’histoire sous le nom d’agbalia. Le tromblon, avec son canon court, est mieux représenté dans les armoiries que j’ai données (op. cit., page 16).

Kpëngla

Un canon.
Souvenir des exploits de ce roi, principalement à Badagri, où ses guerriers s’emparent d’un canon que Kpëngla avait refusé d’acheter quelque temps auparavant.


Agonglo

Un ananas.
Note Fondation Zinsou : Le fruit du rônier, qui ressemble beaucoup à l'ananas


Ghèzô

La récade rappelle le marteau du forgeron en souvenir de la devise que prit Ghèzô pour comparer son œuvre à celle de ses prédécesseurs : « le marteau a son poids et l’enclume a le sien ».

Il faut se rappeler que tous les rois d’Abomey tinrent à indiquer, dans une courte allégorie, qu’ils avaient augmenté leur patrimoine et qu’ainsi ils n’avaient pas failli à la devise générale de leur famille « toujours plus grand ». Ces allégories ont l’allure suivante : « Telle chose est grande, mais telle autre est plus grande », autrement dit « mon père a fait de grandes choses, mais moi j’en fais de plus grandes ».

Glèlè

Un lion.
Souvenir des paroles que ce roi, encore jeune, prononça après ses guerres contre les Mahi : « Je suis le lionceau qui sème la terreur aussitôt que ses dents ont poussé ».


Gbèhanzin

Un requin.

Souvenir des paroles que prononça Gbèhanzin pour indiquer à son peuple son intention de faire la guerre aux Français. Journellement les Français, en rade de Cotonou, traversaient la barre pour descendre à terre. Gbèhanzin résolut de les en empêcher et il se compara au requin qui rend l’accès de la barre très peu sûr.

Ago-li-Agbo

Une jambe.
Ghèhanzin prisonnier des Français, son frère Goutchili lui succèda. Le nom du nouveau roi fut : Ago-li-Agbo, Allada klen afo, ma dja i o, français ouê gni mon. « Prends garde Dahomey, Allada a trébuché, mais n’est pas tombé, grâce aux Français ». Il prit pour armoiries un pied posé sur un caillou, un pied qui trébuche.


Toutes les notes accompagnant les images sont de M. Le Hérissé et son extraites du livre :
Les Bas - Reliefs
Des
Bâtiments royaux d’Abomey
(DAHOMEY)
1926
 TRAVAUX ET MEMOIRES DE L’INSTITUT D’ETHNOLOGIE – I
 Em. G. WATERLOT
CHEF DE L’IMPRIMERIE OFFICIELLE DE MADAGASCAR

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