Les Bas-Reliefs des Bâtiments royaux d’Abomey

           
Bas reliefs du Palais de Ghèzô
         

Une des plus belles productions artistiques des peuples de la Côté occidentale d’Afrique est sans nul doute les bas – reliefs polychromes ornant les bâtiments de l’ancienne résidence royale du Dahomey à Abomey.


Véritables monuments historiques, ces bas – reliefs rappellent les faits marquants de l’évolution des Fons ou plutôt Fon-nou (-nou, gens) qui, confinés au début sur le plateau d’Abomey, avaient étendu progressivement, à compter du règne d’Agadja, leur domination sur la majeure partie des territoires qui constituent la région méridionale de notre colonie du Dahomey (1). 


Sans entreprendre la réédition des traditions connues sur le formation et l’existence de l’ancienne royaume du Dahomey, il est utile, pour la meilleure compréhension de l’interprétation des bas – reliefs, de les résumer.


Au début du XVIIe siècle, la région côtière du Dahomey était partagée entre quelques peuplades, possédant déjà un embryon d’organisation avec une entité de commandements, et d’autres, plus nombreuses, qui vivaient groupés par tribus ou par clans indépendants les uns des autres.


Parmi les premières, le royaume de Savi, que les Portugais appelaient Juda (2), était compris, le long du littoral, entre le lac Nokoué et le lac Ahémé. Il ne dépassait guère Savi, sa capitale, et touchaient au nord et à l’est au royaume d’Arda ou d’Ardres, qui comportait, entre autres, la province d’Allada et celle de Porto-Novo. 


Au nord de celui-ci et au-delà des marais de la Lama vivaient les tribus Ghédévi ou Fon ; à l’ouest, entre le Coufo et le Mono, étaient les Adja et les Ouê ; à l’est, les Nago (3). 


Vers 1610, le démembrement du royaume d’Arles provoqua des changements notables dans l’ensemble du pays. Après la mort du roi d’Arles, ses trois fils se disputèrent le pouvoir ; le second fils s’empara de la succession ; le premier se dirigea vers l’Est et forma le royaume de Porto-Novo ; le troisième émigra vers le Nord ; ses descendants, après maintes ruses et maints combats dirigés contre les tribus au milieu desquelles ils séjournèrent atteignirent l’emplacement où s’élève maintenant Abomey. Là régnait un nommé Dan, qui les accueillit favorablement et leur concéda un vaste terrain. 


Leur chef – Ouêgbadja à cette époque – répondit à ces bienfaits par un acte de barbarie ; il bâtît, dit-on, les murs de sa maison sur le corps de ce roi, en rappelant la phrase suivante que Dan aurait prononcé pour protester contre l’empiètement progressif de son pays par les gens du sud : « Voulez-vous vous établir jusque que mon ventre ? » (4)


Cette maison fut dénommée Danhomé, qui signifie « ventre de Dan » (5) ; le nom resta au royaume et aux habitants qui, lorsqu’ils partirent d’Allada pour se fixer sur le plateau d’Abomey, avaient pris le nom d’Aladahonou ou « gens d’Allada ». 


Sous le règne de Gbèhanzin, le royaume du Dahomey avait pour limites : au sud, Cotonou et le lac Ahémé ; au nord, Savalou ; à l’est et à l’ouest, les rivières Coufo et Ouémé.


Les différents auteurs qui traitèrent de l’histoire du royaume de Dahomey ne sont pas d’accord sur les noms des rois qui se succédèrent. La raison de ces divergences est l’usage qu’avaient ces rois de changer de nom pour commémorer un fait guerrier ou un évènement comportant. 


Nous nous reporterons pour la chronologie à l’ouvrage de M. Lé Hérissé, qui est, à notre avis, le meiux documenté et qui est intitulé « L’ancien royaume du Dahomey » (6). D’après lui, la liste des rois serait la suivante : 


Dako vers 1625, Ouêgbadja 1650-1680, Akaba 1980 – 1708, Agadja 1708 – 1728, Têgbêsou 1728 – 1775, Kêngla 1775 – 1789, Agonglo 1789 – 1797, Adanzan 1797 – 1818, Ghèzô 1818 – 1858, Glèlè 1858 – 1889, Gbèhanzin 1889 – 1894, Ago-li-Agbo 1894 – 1898.


L’ensemble des constructions que l’on dénomme « palais » ne consiste en fait qu’en de grands bâtiments construits en terre battue, couverts de chaume et qui n’étaient vers 1860, au dire du père Borghéro, « qu’un amalgame de cases, de cours et de murs d’enceinte autrefois couronnés de crânes humains ». 


En 1911, époque à laquelle nous avons visité Abomey, seuls les palais de Glèlè et de Ghèzô étaient intacts, mais restaurés ; les autres constructions ne représentaient que des ruines dont les mieux conservées étaient celles du palais d’Agadja.


Le tout formait un « tata » s’étendant sur une superficie de 35 ou 40 hectares. Les vestiges du mur d’enceinte, avec des saillants et des rentrants, attestaient une hauteur de huit à dix mètres et les portes d’accès, larges de quatre mètres environ, étaient encore flanquées de leurs corps de garde.


Contrairement aux bâtiments qui servaient jadis de demeures ou de salles de repos aux nombreux habitants du palais, les tombeaux des rois et les autels dédiés à leurs mânes étaient en parfait état d’entretien en 1911. C’est que le Dahoméen, qui a le culte du souvenir poussé à l’extrême, n’oublie pas, chaque année, lorsqu’arrive l’époque des sacrifices commémoratifs, de réparer les monuments de ses grands morts.


On remarquait encore, en 1911, les restes de deux maisons à étage, l’une construite par le roi Agadja vers 1720, l’autre attribuée à Ghèzô et édifiée cent ans plus tard. Leurs murs en terre battue portaient, dans leur partie supérieure, les traces de nombreuses ouvertures et s’élevaient à une quinzaine de mètres au-dessus du sol.
Illustration : Plan du grand palais d’Abomey

Le palais n’était plus habité que par quelques vieilles femmes. Les unes, appelées « kpodjito », représentent les mères des rois ; les autres, gardiennes des tombeaux, les entretiennent avec un soin religieux en même temps qu’elles veillent dévotement sur les objets sacrés échappés à l’incendie lors de la prise d’Abomey. 


Chaque bâtiment à l’intérieur du palais affecte la forme d’un rectangle allongé. Il est séparé dans son grand axe par un mur qui le transforma en deux couloirs dont l’un remplit l’office de véranda. La couverture est en chaume. La charpente, en nervures très droites de palmier raphia, comporte des fermes à trois montants, celui du milieu, plus court et légèrement oblique, reposant sur le mur du milieu de l’édifice. Les ouvertures de la façade forment de larges baies séparées par des piliers en bois et quelquefois par des piliers en terre. Le mur postérieur n’a qu’une ou deux ouvertures qui donnent accès dans des cours, tandis que, dans la cloison médiane, sont percées symétriquement des portes et des fenêtres. 


Les bas-reliefs que nous reproduisons en figurent que dans les maisons ayant servi aux rois soit comme appartements particuliers, soit comme salles de repos ou de réception. Les murs des maisons affectées au logement des mères des rois et de leurs représentantes, ainsi que ceux des habitants des gardiennes de tombeaux, n’avaient aucune décoration. 


Les tombeaux des rois et les autels sont des huttes rondes, dont le toit conique tombe presque au ras du sol. Leurs murs se sont pas autrement ornés que d’une couche de kaolin blanc et la terre dont ils sont façonnés fut, dit-on, pétrie avec de l’alcool, des cauris, du sang d’hommes et d’animaux.


On croirait, à première vue, qu’aucun ordre n’a présidé à la disposition de ces constructions. Il n’en est rien. « Les rois dahoméens », lit-on dans L’ancien royaume du Dahomey par M. Le Hérissé, « tenaient à expliquer par des devises la grande pensée de leur dynastie : rendre le Dahomey toujours plus grand. Cette même pensée, ils l’ont reproduite dans leurs palais ».


Le palais – puisqu’il est convenu d’appeler ainsi un amas de constructions en pisé et en chaume - est l’œuvre de dix règnes, comme le Dahomey que nous avons pris à Béhanzin. Chaque roi s’est fait une obligation de construire, tout contre l’emplacement qu’avait habité son prédécesseur, la demeure où il désirait vivre, avoir son tombeau et ses autels ; et, comme les terrains pris par Dako (premier roi) au chef d’Abomey étaient situés à l’ouest de ceux qu’il avait enlevés au chef Agri, le palais s’est étendu progressivement vers l’Occident, sans que cette orientation ait été voulue par une loi religieuse ou familiale. 


Le même auteur fait remarquer que « certaines parties du palais mieux conservées permettent de se rendre compte du plan unique adopté par tous les rois pour chacune de leurs demeures » et il en donne une reproduction schématique qu’il nous autorise à extraire de son livre. 


Il existe d’autres « palais » en ruines sur le plateau d’Abomey. L’un d’eux, à Cana, fut une résidence royale. Les autres furent construits par des princes. Leur destruction provient de deux causes principales : l’incendie allumé par les habitants eux-mêmes au moment de fuir devant les troupes françaises ; les ravages du temps, lorsque les occupants, revenus après la paix, n’eurent plus d’esclaves à leur disposition et ne se virent plus autorisés à faire appel à la corvée pour procéder aux réparations urgentes et aux travaux d’entretien de leurs demeures.
Illustration : Constructions de Ghèzô et de Glèlè dans le grand Plais d’Abomey


Les murs d’enceinte des palais, ceux des huttes à tombeaux et à autels qu’ils renferment, sont en terre brune disposée en assises de 0 m.70 à 0 m.80, argile latéritique dont se compose le sol et communément appelée par les Européens « terre de barre ». Les parois étaient crépies, lissées et enduites d’huile de palme ou de nété. Ainsi elles étaient revêtues d’une couche impénétrable qui leur permet de résister longtemps aux intempéries des saisons pluvieuses, malgré des toitures en fort mauvais état ou complètement absentes. Presque toujours un « lait » de kaolin blanc agrémentait les murs des maisons royales, des tombeaux et des autels. 


D’aucuns prétendent que les bas – reliefs de chaque partie du palais relatent les hauts faits du roi qui l’a construite. Cela n’est pas exact. Les artistes auxquels les rois avaient recours suivaient leur propre fantaisie ou, plus souvent, pour complaire au Maître, modelaient les sujets historiques et religieux auxquels il avait fait allusion en public ou qui semblaient lui tenir à cœur particulièrement. C’est pourquoi on remarque dans telle ou telle partie du palais construit par un roi des bas-reliefs qui intéressent d’autres règnes que le sien. 


Les bas – reliefs, ordinairement exécutés en demi-bosse, sont complètement encastrés dans les murs et leur modelage effectué par adjonction de terre. Leu décor est polychrome, les teintes ayant été obtenues avec des produits végétaux, semblables à ceux dont les Dahoméens se servent pour teindre leurs cuirs ouvragés, et des ocres mélangées à du kaolin et à de l’huile de palme suivant certains indigènes, à du blanc d’œuf suivant d’autres.


Le prélèvement de témoins de peinture nous permet d’affirmer que les teintes employées étaient conventionnellement, certains bas-reliefs ayant été peints à plusieurs reprises avec des couleurs différentes. 


La signification des bas –reliefs nous a été donnée par trois témoignages que nous avons rapprochés ; nos informations sont : 


1° un fils de Gbèhanzin ;


2° un ancien ministre du roi, encore vivant à l’époque de notre passage à Abomey ;


3° un ancien dignitaire, gardien des palais.


Bien que les Dahoméens soient très circonspects dans leurs conversations à ce sujet, le rapprochement de cette documentation avec les renseignements donnés par M. Le Hérissé dans son remarquable ouvrage, puisés à d’autres sources, offre une concordance à peu près parfaite. Nous pouvons l’accepter comme vraie.


Au cours d’un de nos séjours au Dahomey, en 1911, nous avons eu la bonne fortune de pouvoir estamper, par le procédé appelé lottinoplastie, tente-six de ces bas-reliefs, que nous avons offerts au Musée d’Ethnographie de Paris en 1913 ; ce Muse étant trop pauvre pour exécuter intégralement ces moulages, nous en avons assuré l’exécution avec l’aide de M. Clavelin, préparateur au Laboratoire d’Anthropologie du Muséum national d’Histoire naturelle. Nous fûmes obligés de partir pour Madagascar avant que cet ouvrage fût complètement terminé. Les terribles évènements qui survinrent firent que les patines ne purent être exécutées qu’en 1920. Ce sont ses bas – reliefs que nous décrivons ci après. Ils appartiennent aux maisons royales dites « Palais d’Agadja » et « Palais de Ghèzô », « Palais de Glèlè » ; ils relatent les faits saillants des luttes que les Dahoméens eurent à soutenir contre les peuplades voisines, les châtiments réservés aux vaincus ; ou bien ils ont trait soit à des symboles religieux, soit à des paroles mémorables qui furent prononcées par les rois. On retrouve des figurations allégoriques de ce genre dans les armoiries des rois sous la forme de découpures d’étoffes fixées sur les parasols, emblèmes de la royauté, conservés à Abomey avec tout ce qui a pu être trouvé dans les maisons royales et rassemblé aussitôt après la conquête.


Au Musée d’Ethnographie de Paris existent trois statues en bois polychrome ; deux représentent le roi Glèlè et le roi Gbèhanzin sous les formes d’un lion et d’un requin ; celles-là concordent, par les détails et leur signification, avec les bas-reliefs représentant ces rois. La troisième statue représente, dit-on, le roi Ghézô : ce doit être une mauvaise interprétation ; une statue identique existait à Abomey dans une case dédiée au culte d’un dieu différent.


Les sculpteurs de terre glaise, les couturiers qui ornaient d’emblèmes les parasols n’étaient pas les seuls artistes auxquels faisaient appel les rois pour fixer le souvenir de leurs devises, de leurs noms, de leurs succès. Les forgerons trouvaient, eux aussi, à exercer leur inspiration en fabriquant toutes sortes d’objets en fer, en cuivre, en argent, mais surtout en composant les récades (7).


Les récades jouent un grand rôle dans la société dahoméenne. Chaque roi, chaque chef important avait la sienne propre. Leur forme était invariable : un bâton court en roko portant à son extrémité un sujet allégorique en bois, en fer ou en cuivre.


La récade faisait reconnaître le maître de celui qui la portait soit pour communiquer un ordre, soit pour transmettre aussi bien une politesse qu’un défi ; elle authentifiait un messager, elle l’accréditait dans sa mission. Manquer au porteur d’une récade, c’était manquer à son propriétaire lui-même, et, dans le cas du roi, l’injure entraînait la mort ou une entreprise guerrière. 


Dans les bas – reliefs figurent quelques récades, mais nous avons pensé offrir une documentation plus complète en reproduisant une photographie des récades des rois du Dahomey.


A l’époque de notre passage, il ne restait plus que des ruines du Palais d’Agadja ; elles doivent être disparues à l’heure actuelle. Les bas – reliefs que nous y avons remarqués ne portaient pas trace de peinture, sauf dans les fonds, où j’ai trouvé des restes d’un enduit au kaolin. Ils étaient disposés sur deux rangés dont l’inférieure ne comportait que des motifs décoratifs.


Les cicérones des palais d’Abomey – à moins qu’ils ne soient choisis avec soin – confondent parfois les dates des faits traités en bas – reliefs. C’est ainsi qu’en écoutant leurs explications sur les constructions attribuées aux rois Gnèzô et Glèlè dont j’ai pu reproduire l’ornementation, on arriverait à ce non-sens que l’époque d’exécution des modelages de certains faits est antérieure à celle de ces faits eux-mêmes.


Les renseignements recueillis n’ont pu indiquer si les bas-reliefs ayant trait aux successeurs du roi Agadja ont été exécutés sur les murs des palais datant du règne de ce roi ou si ces bas – reliefs ont été faits, avec les constructions, à une date postérieure. L’examen du mode d’exécution nous incite à supposer que ces constructions sont relativement récentes.


Grâce à l’initiative de M. Le Hérissé, administrateur des colonies, à l’époque où il dirigeait le cercle d’Abomey, le Palais de Ghèzô, très vétuste, fut restauré, mais un certain nombre de bas-reliefs ont disparu de ce fait ; d’autres n’ont pu être conservés qu’en partie ou ont été restaurés.


L’exécution de ces bas-reliefs est plus fruste que celle qui a présidé aux bas-reliefs des palais ; la peinture faite après la restauration est grossière et dénote chez l’indigène auteur du travail une moins grande recherche artistique que celle que l’on constate sur les bas-reliefs ornant la maison royale de Glèlè. Parfois, certains détails du modèle sont empâtés par l’épaisseur de la couche d’enduit au kaolin. Le mur de la façade d’entrée et celui de séparation portent deux rangées de bas – reliefs. Dans la rangée inférieure, on remarque une suite de répliques de la représentation allégorique de Ghèzô sous la forme d’un buffle, au modelage parfois inversé pour l’harmonie du décor. 


Le Palais de Glèlè est le mieux conservé et la restauration faite en 1911, par les soins de M.P. Chaudoin (8), administrateur des colonies, commandant le cercle d’Abomey à cette époque, n’a intéressé que les murs de cette construction. Les bas-reliefs n’existent que sur le côté extérieur du mur de la façade d’entrée et sont disposés sur trois rangées ; l’une, inférieure, ne comporte que la répétition de l’image du roi Glèlè sous la forme allégorique du lion. D’autres bas-reliefs sont également répétés lorsque leur décor, comme au palais de Ghèzô, équilibre une porte ou une fenêtre ; en ce cas la moitié de ces répliques ont leur décor inversé.


Les évènements ne permirent pas au roi Gbèhanzin de se conformer à la tradition qui imposait au successeur d’un roi de construire une nouvelle demeure. Il occupa le palais du roi Glèlè, son père, et un certain nombre de bas-reliefs ornant cette demeure relatent les hauts faits du dernier roi.





(Note de M. Le Hérissé). La relation de M. Chaudoin a été publiée en un volume in-16° en 1891 par Hachette sous le titre : Trois mois de captivité au Dahomey.


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Notes


 1) Les territoires d’influence aboméenne ne dépassèrent jamais les monts de Savalou au nord et ne comprirent ni le royaume de Porto-Novo au sud, ni les confédérations adja vers l’ouest entre le Coufo et le Mono (Note de M. Le Hérissé).


2) Ce mot semble être une corruption de Juida, transcription espagnole à peu près correcte du nom indigène Houéda, où h se prononce comme j espagnol. De ce même mot, Houéda, nom de la tribu occupant le royaume, les Anglais ont fait Whydah, les Français Ouidah, les hollandais Fida, appliquant ces appellations au village où se trouvaient les établissements européens et dont le nom indigène actuel est Gléhoué (Note de M. Delafosse).

Institut d’Ethnologie 

3) Toutes ces peuplades – sauf les Nago – étaient de même race et se désignaient sous le vocable « Ouê » (=Ewé), du mot qu’elles emploient pour exprimer le chiffre deux. Elles sont vraisemblablement de même origine que les Achanti. Nago est un terme usité au Dahomey pour désigner l’ensemble des peuplades connues plus généralement sous le nom de Yorouba ou sous ceux de Eyo, Oyo, Ayo, etc..

4) Cette facétie macabre était la réédition de celle qu’avait faite le roi précédent, Dako, au Chef d’Agri. Cf. Le Hérissé, L’ancien royaume du Dahomey, Paris, 1911, page 284 et note 2, page 288.

5) Cette étymologie doit avoir été inventée après coup. En tous cas, le nom de Dahomé et l’existence d’un pays ou royaume de ce nom sont certainement antérieurs à la date (début ou premier quart du XVIIe siècle) indiquée comme étant celle de l’installation des Aladahonou dans la région d’Abomey. Il n’y a eu à ce moment que substitution d’une dynastie (celle des Aladahonou) à une autre, que représentait Da ou Dan, roi des Fouin ou fon, autrement dit roi du Dahomey. En effet, des cartes et cosmographies du XVI e siècle, notamment l’atlas de Mercator (1560) et celui d’Ortelius (1570), la cosmographie de Belleforest (1575), mentionnent, à la place qu’occupe aujourd’hui Abomey, un Etat qu’elles nomment, les unes Dauma, les autres Daumè, ou des deux noms à la fois, et lui donnent une capitale portant le même nom. Léon l’Africain, qui voyagea au soudan en 1507, mentionne déjà ce royaume de Dauma, bien que l’emplacement qu’il lui assigne soit erroné (Note de M. Delafosse).

6) Larose. Paris, 1911

7) Récade est un mot d’origine portugaise ; le mot dahoméen est « kpo = bâton.

8) Lorsqu’il fit restaurer le Palais de Glèlè, M. Chaudoin pouvait se reporter à des souvenirs personnels pour la documentation des travaux. Cet administrateur fut un des Européens arrêtés à Ouidah en février 1890 par ordre de Gbèhanzin et emmenés en captivité à Abomey. 
Institut d’Ethnologie 


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PREFACE

Une des principales difficultés de l’Ethnologie provient du manque de données historiques dignes de confiance touchant les populations qui ne connaissent pas l’écriture. Si d’autre part, comme il arrive souvent, la nature de leurs constructions, les matériaux qu’elles y emploient, et le climat ne permettent pas la conservation de leurs monuments, si humbles qu’ils soient, nous en sommes réduits aux traditions orales, en générales peu sûres, et que nous n’avons pas le moyen de contrôler.
C’est donc une rare bonne fortune que de rencontrer, dans une région telle que l’Afrique occidentale, des documents historiques d’une authenticité incontestable, dus aux indigènes eux-mêmes. Tels sont les bas – reliefs qui ornent les palais d’Abomey, où les rois du Dahomey ont inscrit l’histoire de leur règne. Ces sculptures, indépendamment de l’intérêt qu’elles présentent comme œuvres particulièrement belles de l’art dahoméen, constituent un document historique d’une valeur unique. Malheureusement une partie considérable des bâtiments et par conséquent aussi des bas – reliefs a été détruite ou se trouve en très mauvais état. Ce qui a échappé aux injures du temps ou à l’incendie a été sauvé par l’heureuse initiative de l’auteur du présent ouvrage, M. Waterlot, alors directeur de l’imprimerie du Dahomey. C’est lui qui a pris l’estampage des bas – reliefs qui subsistaient, qui en a exécuté les moulages, et les a revêtus de leurs couleurs originelles. C’est lui encore qui a recueilli de la bouche d’informateurs indigènes l’explication des sujets représentés par les bas – reliefs. 
Si l’on se représente les difficultés diverses de la tâche entreprise par M. Waterlot, de sa propre initiative, et si l’on met les résultats obtenus en face des obstacles surmontés, on ne peut qu’éprouver pour l’auteur de ce travail un sentiment d’admiration et de reconnaissance. Au cours de nos expéditions coloniales, nous avons trop souvent détruit, sans idée préconçue d’ailleurs, mais par suite des nécessités de la conquête. Au Dahomey, grâce à M. Waterlot, l’œuvre du passé demeure, irrécusable témoin  d’une civilisation particulièrement originale et intéressante. Et c’est ainsi que, pour ce royaume nègre aujourd’hui défunt, nous possédons une documentation historique infiniment précieuse.
MM. Maurice Delafosse et Le Hérissé ont bien voulu apporter à cette publication le concours de leur connaissance approfondie des choses dahoméennes. 
L.LEVY BRUHL.

UNIVERSITE DE PARIS
  TRAVAUX ET MEMOIRES DE L’INSTITUT D’ETHNOLOGIE – I
 Em. G. WATERLOT
CHEF DE L’IMPRIMERIE OFFICIELLE DE MADAGASCAR
Les Bas - Reliefs
Des
Bâtiments royaux d’Abomey
(DAHOMEY)
PARIS
INSTITUT D’ETHNOLOGIR
191, RUE SAINT-JACQUES (5e ) 
1926

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